La dix-septième étape: Khun-Yuam, Mae-Chaem - L'enfer du Nord.

Après une excellente nuit de sommeil, je me lève du bon pied (comme c'est souvent le cas !), et déterminé d'arriver à Mae-Chaem.

Aujourd'hui, la route qui me conduira dans cette petite localité qui se situe au pied du plus haut sommet de la Thaïlande ne sera pas plate du tout. Les ascensions - jamais longues mais ardues - se succèderont les unes après les autres... 

Je connais (pas par cœur pour autant) cet axe routier pour l'avoir déjà parcouru quelques fois. Je sais à quoi m'attendre: un rendez-vous avec le diable où les rampes à plus de 20% se succéderont les unes après les autres, et ceci, du début jusqu'à la fin. Dès lors, une véritable guerre d'usure - tant sur le plan physique et mental - s'engagera entre moi et la configuration du terrain qui est vraiment différente de ce que j'ai l'habitude de rencontrer (de côtoyer) en France, où, les ascensions sont plutôt régulières, et ne présentent pas des pourcentages extrêmes, comme c'est la norme en Thaïlande. Rouler en Thaïlande nécessite d'avoir un moral d'acier et de ne pas radiner sur la force à employer pour s'extirper de la pente.     

 

Après une dizaine de kilomètres d'échauffement, je commencerai à grimper sur une dizaine de kilomètres, la pente sera irrégulière, les murs ne seront jamais longs, il y aura même des petites descentes qui me permettront de souffler un peu avant de rentrer à nouveau dans l'arène des pentes raides...  

Au km 22, j'arriverai au premier col du parcours. Après une courte descente, je basculerai dans un vallon au fond duquel se trouve le village Mhong (une des ethnies des montagnes) de Phang-Ung (ne pas prononcer "fang-ung" au risque de ne pas se faire comprendre...). Après ce village, la route continuera de grimper sur quelques kilomètres pour atteindre le deuxième col (qui est situé au km 28). Après une descente pas bien longue, j'arriverai au village Mhong de Ban-Pang-Kia qui est situé plus haut en altitude que celui de Phang-Ung. Je continuerai de grimper pour atteindre - au km 33.2 - le point culminant du parcours (altitude: 1536 mètres). Après 7-8 kilomètres de descente, je serai confronté à une courte ascension de trois kilomètres dont la pente ne me posera pas trop de problèmes. 

Dix-sept kilomètres plus loin (au km 49) , j'arriverai sur un pont avec une rivière qui coule en dessous (alors toi, tu es trop fort !), et juste à côté de ce pont, il y a un petit hameau coincé entre deux montagnes (dites-moi, ça doit être une grande piscine par ici pendant la saison des pluies ? non ?). Et, après ce pont, je serai certainement obligé de placer toutes mes vitesses à gauche et je regretterai amèrement une cassette de VTT. La pente sera abominablement raide sur quelques kilomètres, le tout, sur un revêtement bien délabré. Chouette alors ! Je vais certainement rencontrer Satan en personne.

Au km 54, j'arriverai au cinquième col qui offre une vue imprenable sur une grande vallée et - en toile de fond - l'immense dôme du Doi-Inthanon, le point culminant de la Thaïlande. Ce sera ma dernière ascension (de cette grande randonnée, bien entendu)mais que je m'abstiendrai sûrement de gravir aujourd'hui (il ne faut pas déconner quand même, cela ferait une étape de 132 km pour 4800 mètres de dénivelé).

Après une courte descente, la route remontera droit dans pente sur un bon kilomètre pour accéder à un haut plateau vallonné. Puis, s'ensuivra une descente qui me conduira à un petit hameau où j'aurai la possibilité de me ravitailler en eau et en gâteaux (comme une bûche de Noël, un vacherin à la meringue, cela me suffira amplement, ne vous inquiètez pas...).

Au km 68, je serai (espérons) au sixième col. Après une petite descente, j'arriverai (certainement bien entamé physiquement et mentalement) au village de Mae-Na-Jorn. Après avoir traversé ce bucolique village, je ne serai pas tiré d'affaire pour autant - "oh que non !" - même si la montagne semble terminée, c'est ce que l'on pense, quand on décrypte le graphique ci-dessous (méfiance est mère de sureté, ne prends pas ces graphiques comme argent comptant). Je ne veux pas jouer les rabats-joies, mais la suite est loin d'être facile. Les vingt-cinq derniers kilomètres seront certainement la goutte d'eau qui fera déborder le bidon. Suis-je clair ?       

 

Ce parcours est certainement le plus difficile du périple. Demain, l'ascension la plus dur m'attendra: Le Mont-Inthanon, 20 km d'ascension à 9.2% de pente moyenne. J'ai intérêt à bien gérer mon effort si je veux avoir un espoir d'avoir ma photo au sommet du "roof of Thailand".  

Après avoir pris une douche tonique à l'eau froide (le chauffe-eau électrique est tombé soudainement en panne où c'est moi qui ne sait pas m'en servir), je sors dehors avec mon vélo (j'ai peur de sortir sans lui) pour aller au marché du matin.
Dehors, il fait froid (sans blaguer, et moi qui croyais qu'il fait toujours 37.2 le matin avec 99% d'humidité ! C'est la dernière fois que je regarde un reportage sur la Thaïlande à la télé...) et j'ai bien fait d'avoir mis trois couches de vêtements.  

Je vais faire un tour furtif au marché de Khun-Yuam pour boire le café et acheter de quoi manger sur la route. Mieux vaut prévoir maintenant parce que sur cette route, les épiceries ne sont pas légions. 

                   

Les sachets en feuilles de bananiers renferment du gâteau de riz que les Thaïs appellent "khao-niao-sangkhaya". Tandis que le bâton de bambou renferme aussi du riz cuit à la crème de coco. Il s'agit du "khao-lam".   

                   

Pour plus de commodité, je conditionne le riz dans un sachet en plastique parce que le bâton de bambou est un peu encombrant à transporter. 

                   

Départ à 7h00. je roule doucement afin de m'échauffer. Aujourd'hui, aucune erreur ne sera tolérée, que ce soit alimentaire (risque d'hypoglycémie qui peut entrainer des crampes et même une chute..) et dans la gestion de mes ressources physiques (la gestion de l'effort).  

  

Jolis paysages...  

 

Je pars vers l'ouest, là où le soleil surgit derrière cette montagne. Je vais droit dedans (dans les montagnes). 

 

Un peu plus loin, j'aperçois un moine qui marche pieds nus sur le bitume froid de la route. Je m'arrête une centaine de mètres devant lui, puis, une fois que le bonze arrive à ma hauteur, je lui donne un gâteau en guise d'offrande, puis, je m'agenouille devant lui, il me récite une prière pour me souhaiter bonne chance. Je pars serein et rassuré. 

 

                     

Eh bien ! Les gens qui vivent ici ont des chouettes maisons... 

 

 

Quelques kilomètres plus loin, j'arrive à un check-point où je ne semble pas susciter un quelconque intérêt aux gardiens.  

 

Même ma barbe de trois jours, qui fait Patibulaire, ne suscite pas la curiosité de la maréchaussée.

                 

Je vais tout droit dans les montagnes.

  

Pas la peine d'user mon clavier pour vous expliquer que je vais devoir enlever mon chandail bleu Castelli, changer de vitesses et avancer moins vite que sur le plat. Ce sont les joies de la montagne ! 

      

 

Des buffles.  

 

Salut les filles ! Ou vous allez comme ça ? Faire du shopping en ville !?

 

Et bien voilà, je suis en train de pédaler, la pente est raide... mes sensations sont bonnes, je tire des bords pour économiser au maximum mes forces. Le but est d'arriver à destination quelque soit la vitesse. Ce parcours est très difficile même en roulant comme une tortue.

Au km 18, j'arrive à un endroit où je peux souffler un peu, faire baisser le rythme cardiaque, marquer mon territoire, me nourrir et prendre des photos pour vous les montrer trois semaines plus tard...

 

 

 

Une belle forêt... pas encore transformée en plantation d'hévéas. Espérons que cela n'arrive pas.

 

Au km 22, j'arrive enfin au premier col du parcours. J'évite de trop m'applaudir parce que je ne suis pas encore sorti de l'auberge...        

Ou vais-je comme ça ? Vais-je arriver à bon port ?

Pour le savoir, merci de tourner la page...

Comments

[Michel]

Salut Eric,

J'etudie avec attention cette etape ou tu as rencontre Satan:
Khun_Yuam - Mae_Chaem;
Avec Daniel nous la ferons en deux jours;
en fait, j'aimerais savoir s'il existe un moyen de dormir a Mae_Na_Chon, c'est 30 kilometre avant Mae_Chaem;
puis le lendemain nous ferions une seule etape , environ 60 km, ce de village jusqu'en haut du Doi Inthanon;
que penses-tu de ca ?
La descente du Doi sur Chom Thong ne pose pas de reelle difficulte a part un gros talus, on aura surtout les mains sur les cocottes de freins.

Autre chose, comme nous avons l'intention d'aller a Ban_Rak_Thai en venant de Pai, etape a Ban Pang_Mapha, , ensuite, aller jusqu'a Mae_Hong_Son nous rallongera l'etape suivante; connais-tu un
GH/motel/resort du cote de Huai_Pha ou Mok_Cham_Pae, deux villages qui sont a environ 20 km avant Mae_Hong_Son ?
Merci pour ta reponse, quelle qu'elle soit .

Michel

[DUVERGNE]

Re,

Je viens de lire ton début de parcours....ça semble effrayant et beau à la fois...as tu pris des photos de Hmong dans les villages ?? ont ils des réticences si on veut prendre des vues ??